La découverte de l’allaitement
Je ne fais pas partie des femmes qui voulaient allaiter à tout prix. Pendant ma grossesse, c’était un sujet qui m’intéressait peu. J’étais déjà absorbée par le développement du foetus, les rendez-vous médicaux, les échographies, les achats, les cours prénataux, la préparation de la chambre, etc… Ajoutez à cela les corrections de mon mémoire, mon premier séminaire doctoral et la grève étudiante, j’étais déjà bien assez occupée et stressée, comme le signale une nouvelle étude parue dans La Presse aujourd’hui. C’était déjà un défi de garder le cap pour éviter que bébé en soit affecté. L’étape du futur mode d’alimentation m’apparaissait bien lointaine et j’avais peu de temps pour m’y attarder.
Malgré tout, j’avais lu des histoires d’horreur sur les forums. Des femmes avec les seins en sang ou des parents suppliant les infirmières des hôpitaux « Amis des bébés » de leur fournir de la préparation maternisée même si leur enfant hurlait de faim. Un processus qui me semblait pas toujours très amical… Cela dit, c’est une initiative que j’encourage. C’est plutôt la mise en pratique parfois douteuse que je critique à travers les témoignages d’autres mamans. Bien sûr, ce n’est pas ce qui arrive pour toutes les naissances et plusieurs professionnels de la santé sont respectueux et aidants. Mon expérience se trouvera d’ailleurs particulièrement positive. Mais à ce moment-là, je ne savais pas encore comment la naissance de notre fils allait se dérouler.
Dans mes cours prénataux, on me répétait déjà avec insistance que l’allaitement est le meilleur mode d’alimentation. Ouais ouais… Ne sachant pas ce qui allait suivre, j’ai suivi les conseils indirects lus sur les sites de discussions et j’avais ajouté des échantillons de lait maternisé et des biberons dans ma valise. Une fille avertie en vaut deux.
Je dois aussi avouer que de croiser par hasard une femme qui allaitait me laissait toujours un petit malaise. Il s’agit encore aujourd’hui d’une pratique assez rare. Le bas taux de popularité de l’allaitement dans les années 1980-1990 en est probablement la raison principale. Sylvie Louise Desrochers s’est d’ailleurs penchée sur la question de la variation des discours sur la promotion de l’allaitement dans son mémoire « Normes sociales et allaitement maternel : évolution du discours d’un quotidien francophone au Québec » (UQAM : 2012). Ma mère et ma marraine étaient un peu à contre-courant et l’ont fait malgré tout. J’ai eu la chance d’avoir la deuxième comme modèle pendant mon enfance. Mais revenons à nos moutons.
Le jour de ma rencontre avec notre Laurent à l’hôpital Sainte-Justine est enfin arrivé. Ce fut une journée presque magique. J’ai eu la chance de vivre un accouchement très intense, mais aussi très rapide, d’une durée de 5 heures à partir de la première contraction. Notre garçon est né et il était très énergique. Encore sous le coup de l’émotion, dans la salle d’accouchement, il a rampé jusqu’à mon sein. Surprise, j’ai dit à l’infirmière sur place qu’il voulait boire. Elle m’a dit d’attendre. Probablement parce qu’elle n’avait pas envie de gérer un cours d’allaitement 101. Moi qui suis pourtant une fille très « By the book », je ne l’ai pas écouté. J’ai laissé mon fils s’accrocher à mon sein et il a commencé à boire le colostrum. Je n’ai pas eu le temps d’anticiper la douleur possible, ça s’est fait comme un charme. J’ai appris plus tard que l’anticipation de la douleur pouvait retarder l’éjection du lait. Ça ne m’ait pas arrivé et j’ai commencé à allaiter notre nouveau-né. Je dis souvent que c’est lui qui m’a montré comment faire et convaincu de continuer. J’ai aussi été très bien encadré par le personnel de l’hôpital. Les infirmières sur l’étage ont été merveilleuses. Petite anecdote au passage : Simon s’est rendu compte il y a un mois que « Laurent » est aussi l’anagramme du mot « naturel ». Il porte très bien son nom.
Un peu malgré moi, je suis devenue une femme allaitante. Notre garçon, de petit poids, était tellement gourmand qu’il a fait sa première poussée de croissance toute la première nuit. Il ne m’a pas laissé une seconde de répit. Au retour à la maison, j’ai expérimenté une émotion que je n’avais jamais vécue. Celle de me sentir véritablement indispensable. C’était à la fois effrayant et tellement gratifiant.
Je me suis ensuite acheté de nouveaux vêtements d’allaitement qui me faisaient me sentir belle. Je me suis mise à jaser d’allaitement avec d’autres mamans. J’ai commencé à allaiter partout, sans aucune gêne. Je me suis même sentie mal d’avoir jugé celles qui le faisaient avant moi… Je me suis mise à lire des articles crédibles sur les bienfaits de l’allaitement et j’ai réalisé que ceux-ci n’étaient pas toujours présentés correctement. On en revient au même point que j’ai déjà évoqué : la culpabilisation des mères. Pourtant, c’est plutôt le respect, le soutien, la préparation à l’accouchement et l’accompagnement qui font toute la différence. De nos jours, les parents ont accès facilement à l’information, mais ils n’ont pas beaucoup accès à l’écoute dont ils ont besoin…
Scandale, Laurent a maintenant 1 an et j’allaite encore. Je commence à sentir mon entourage désapprouver, trouver qu’il se fait maintenant grand. Même si l’Organisme mondial de la santé (OMS) recommande l’allaitement jusqu’à deux ans, j’assiste à un renversement. On tente de m’obliger à y mettre un terme. N’est-ce pas là encore la preuve qu’on est pas maître de nos choix ? Si bébé, Simon et moi sommes encore bien là-dedans, il est où le problème ? Je crois sincèrement que les circonstances personnelles devraient être les seuls critères mis en cause, que ce soit dès la naissance, ou en cours de route. Qui a le droit de juger les autres ?
Je termine avec un petit clin d’oeil rigolo. Mon pastiche personnel à la photo de Mahée Paiement sur l’ancienne controverse de la campagne Allaiter c’est glamour. Même si je suis d’accord avec le message sous-jacent, je suis aussi d’avis que le choix de la photo est discutable par la froideur qu’elle dégage. À la blague, j’avais décidé d’en prendre une plus joyeuse à l’occasion de notre mariage à Simon et moi.
Références
Desrochers, Sylvie Louise. 2012. « Normes sociales et allaitement maternel : évolution du discours d’un quotidien francophone au Québec ». Québec : Université du Québec à Montréal. En ligne.<http://www.grms.uqam.ca/upload/files/memoire-de-recherche/Memoire_Allaitement_Normes_Sociales_Desrochers.pdf >
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