Ouvrir la boîte de Pandore
En débutant ce blogue, je me suis fait une promesse : celle d’être la plus transparente possible. Ici, je mets mon coeur sur la table. Je me jette tout entière dans les confidences, sans autres artifices que ma propre sensibilité.
Je dois donc vous avouer humblement que j’ai hésité avant de publier mon dernier article Les derniers tabous. En fait, j’ai demandé à un de mes groupes de mamans de me lire et de me donner leur opinion avant de le rendre visible à tous mes lecteurs. Je les connais depuis plusieurs années et je sentais que je pouvais leur faire confiance. Pour être honnête, j’avais besoin qu’elles me confirment qu’elles ne trouvaient pas que j’étais une mauvaise mère… Lorsque cette réflexion a jailli dans ma tête, j’ai eu la confirmation que j’étais face à des tabous insidieux, desquels j’étais moi aussi l’esclave. Elles m’ont rassurée et convaincue de me lancer. J’ai même eu l’impression d’en entendre plusieurs soupirer de soulagement au moment de leur lecture. Leur fébrilité, leur soutien et leur reconnaissance m’ont donné l’énergie de le publier.
Très rapidement, les commentaires qui ont suivis sont allés dans la même direction. Je sentais que plusieurs personnes trouvaient que je n’allais pas assez loin, que d’autres tabous persistaient encore. J’ai passé les derniers jours à y réfléchir. Ma mère, ma belle-mère et ma grand-mère se sont même prêtées au jeu et elles ont avoué avoir parfois voulu revenir en arrière, parfois elles ont regrettées le choix de devenir mère. Je l’avoue, c’est une catharsis qui m’a fait un bien énorme.
Parallèlement, j’ai été confrontée à une réaction à laquelle je ne m’attendais pas. Certains de mes lecteurs habituels n’ont pas voulu élaborer sur ce texte. C’était comme un désintérêt poli qui cachait de manière à peine voilée une désapprobation, un malaise, comme si la lecture en elle-même allait chercher des éléments qu’ils ne voulaient pas voir, une partie de leur coeur fermée à double tour. Les tabous occupent une place tellement grande qu’on réprime à les nommer, parce que c’est trop dur d’admettre qu’on est pas parfait dans cette société de haute performance.
Dans l’esprit de cette réflexion, Marianne Prairie, auteure du blogue Ce que j’ai dans le ventre m’a mis sur la piste du site Renegade Mothering, plus précisément l’article « You blissed-out moms are ruining future ». Marianne me propose cette traduction « Comment les mamans gaga scrapent l’avenir ». Dans ce texte, l’auteure du site anglophone explique qu’elle reçoit des messages en privé de mères qui lui disent qu’elle ne devrait pas parler publiquement du fait qu’elle n’est pas toujours épanouie par la maternité, que ses enfants sont parfois des petits monstres. Selon ses lectrices, les pauvres enfants qui liront le texte plus tard pourraient être touchés par la critique et être fragilisés par ce dur constat. Selon elles, il vaut mieux cacher la vérité pour « protéger » les enfants. Je n’ai pas personnellement eu un « avertissement » aussi flagrant, je parle plutôt d’un ressenti dans la réception du texte. Mais j’imagine très bien des gens qui me lisent avoir une telle réflexion. Une des phrases de l’article nomme explicitement le paradoxe :
Hey kids, join me in this falsely constructed world, because society says it’s the way we’re supposed to act. Even though it’s not true, and WE ALL KNOW IT’S NOT TRUE, we do it anyway…just because!
[Hey les enfants, venez avec moi dans cet univers construit et pleins de faussetés, parce que la société dit que c’est la façon dont nous devons agir. Même si rien de tout cela est vrai,et NOUS SAVONS TOUS QUE CE N’EST PAS VRAI, on le fait quand même… parce que c’est comme ça!]
Un « univers construit »: ce concept me hante depuis les débuts de la création de ce blogue et il roule en boucle dans ma tête. Tout ce qui nous entoure est créé socialement, la publicité, les règles à suivre, les tabous bien sûr… Je vais devoir consacrer un autre article à ce sujet parce que j’ouvre la porte vers quelque chose que je n’ai pas encore entièrement ciblé.
Il reste que je sais bien que ma réflexion sur l’existence des difficultés est loin d’être nouvelle. Mon beau-frère Philippe, philosophe nouveau genre et blogueur, me faisait remarquer que Mère Indigne et les Z’imparfaites ont levé les voiles sur bien des difficultés associées à la maternité. Absolument. Je crois sincèrement qu’elles ont contribué à allumer bien des lanternes sur l’univers très sévère de la vie de mère dans la décennie des années 2000. On leur doit une fière chandelle. Grâce à l’humour, elles ont véritablement changé notre société. Ce que Simon et moi tentons de faire, c’est de mettre l’accent sur le changement de paradigme de la seule et unique « maternité » vers la « parentalité ».
Je pense qu’on est maintenant prêts à se dire les choses ouvertement, telles qu’elles sont, sans avoir à passer par d’autres chemins. Dans de prochains articles, je continuerai à nommer les tabous qui grugent notre univers de l’intérieur. Je me fais porte-parole des discussions suscitées par le dernier article. Plusieurs thèmes devront être abordés dans cette nouvelle série qui s’impose à moi tant son potentiel est vaste.
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Si vous vous êtes rendus jusqu’ici, vous vous dites peut-être que je suis bien malheureuse dans mon rôle de mère. Non, pas du tout, c’est même le contraire je vous dirais. Laurent est ma plus belle création et chaque jour il me rempli de bonheur. En entrant dans ma vie il y a exactement 15 mois, il m’a fait réaliser tant de choses. Pour lui je souhaite être honnête, résiliente, heureuse afin qu’il puisse l’être lui aussi. Pour y arriver, il faut être vrai, pour de vrai.
* Le titre de cet article a été gentiment proposé par Noémie Lavallée, merci !*
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