Bons parents
À la lecture de la deuxième chronique de Foglia et de son amie sur les garderies, j’étais beaucoup plus calme et prête à recevoir leurs critiques. J’aurais pu vous dire que le titre « Drop-off center » laisse peu de place à l’interprétation. J’aurais pu m’insurger encore une fois du fait qu’il en rajoute sur les congés de maternité sans proposer aucune alternative. J’aurais pu, mais je préfère maintenant prendre le point de vue de ceux dont il est véritablement question : les bons parents.
Mon amie s’excuse pour Cuba. Pour les enfants malades. C’était maladroit. C’est pas les mauvais parents qu’elle voulait culpabiliser. C’est les bons.
Je tiens à les rassurer. Question culpabilisation on n’est pas en reste, ne vous inquiétez pas.
En terminant, la meilleure part de ces chroniques ce sont vos lettres, toutes griffes sorties, je ne vous ai jamais vus aussi combatifs, aussi pertinents, dieu que vous les aimez vos enfants. Mais bon vous avez votre carrière.
Là-dessus on est d’accord. Oui on les aime nos enfants. Oui on les aime nos carrières.
D’ailleurs cette mention m’a fait réfléchir sur les deux excellents livres que j’étais justement en train de lire. Il s’agit des livres Les tranchées par Fanny Britt et le Sel de la terre par Samuel Archibald. Ce sont deux deux courts essais parus récemment aux éditions Nouveau Projet (2013). Pour moins de 10$ chacun, c’est assurément mes meilleurs achats littéraires depuis bien longtemps.
Par souci de transparence, je vous indique dès maintenant que nous connaissons Archibald parce qu’il était dans le comité d’évaluation du mémoire de maîtrise de Simon. Je ne le connais pas personnellement outre mesure, mais j’aime ce qu’il écrit. Sa conjointe, Geneviève Pettersen a d’ailleurs collaboré au livre de Britt. Louise, une de mes lectrices, fait une réflexion pertinente sur ce livre dans les commentaires de la chronique Trop-plein.
Le chapitre « Mères troisième vague » des Tranchées a été mon préféré. Je me suis tellement reconnue dans ces réflexions de Pettersen et Alexie Morin. Leurs nuances et leur rejet du « parentage mainstream » m’ont beaucoup parlé (2013 : 57).
Quand je leur demande de quoi ont besoin les mères, elles me parlent tout de suite du réseau. « Un congé de maternité c’est plate qu’on se le dise. Je suis sûre que plein de mères ont été sauvé de l’abime grâce aux réseaux sociaux », dit Geneviève. Alexie est d’accord. « On a besoin d’une communauté, on a besoin de monde » (p. 62).
Tellement. J’en avais parlé ici. Les groupes secrets Facebook ont sauvé bien des gens de la déprime, j’en suis aussi certaine. Cette communauté fait de nous des meilleurs parents, plus auto-critiques, plus résilients. Ça existe. Oui le monde change, mais je sais que la majorité des nouveaux parents sont des bons parents, des meilleures personnes même.
En exposant les paradoxes de la si populaire notion de la « classe moyenne » dans le chapitre « L’apocalypse en 36 versements », Archibald parle aussi de la famille :
Les gens de la classe moyenne ont toujours tenu à leur progéniture, ils tiennent aussi, depuis plus récemment, à être de bons parents. Ils veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants, mais aussi passer du temps avec eux. Les protéger aussi (p.79).
Il explique que la vie coûte plus chère maintenant qu’avant, même beaucoup plus (p. 64). On est souvent contraint de s’endetter, de travailler plus ou d’adopter de nouveaux modes de vie :
J’ai des amis qui sont parents et qui ne se sentent pas obligés pour autant d’avoir une grosse job steady ou de prendre le plus de contrats possible pour en piler pendant que c’est le temps (p. 80).
Il parle des travailleurs autonomes, des gens qui ont des horaires atypiques, du temps partiel… Comme étudiants c’est certain qu’on s’est reconnus dans la description.
Ces gens-là font des choix de vie dont le motif premier n’est pas l’argent, et ils s’arrangent […]
Ils ne portent pas encore de nom et pourtant ils existent.
Ce sont eux le sel de la terre, désormais (p.80).
C’est ce portrait de cette société nouvelle qui est en train de se dessiner. Les systèmes en place rebutent à inclure ces nouvelles familles par la lourdeur du système. Les garderies sont un exemple parmi tant d’autres. D’importants changements s’imposent.
Si vous voulez toute la vérité, c’est en apprenant l’existence de ces jeunes intellectuels parents qu’on s’est dit qu’on pouvait y arriver.
Mais il y a encore beaucoup de préjugés à affronter pour ces nouveaux parents, ces bons parents. Oui ils existent.
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