Lettre à la ministre de la famille, Francine Charbonneau
Chère Madame Charbonneau,
J’utilise modestement ma plateforme pour vous lancer un cri du coeur en espérant qu’il se rende à vous. J’avoue avoir été ébranlée par l’article de Jocelyne Richer dans Le Devoir du 21 novembre, « La ministre avoue ne pas avoir évalué l’impact sur les femmes et l’emploi« . En fait, comme l’écrivait mon mari, nous n’avons jamais eu accès aux tarifs dits « universels ». Pourtant, le fait que vous n’ayez pas pensé à l’impact des coupes sur la situation des femmes m’apparaît très préoccupant sous une perspective beaucoup plus large.
Je n’ai jamais eu peur d’être honnête et je suis en faveur de la transparence. Je vais vous tracer humblement ma situation familiale. J’ai parfois l’impression d’être personnellement ciblée par toutes les coupes de votre gouvernement au cours des derniers mois. Je crois qu’à différents niveaux, des gens se reconnaîtront à travers mon portrait.
Je suis une femme de trente ans, mère d’un garçon de deux ans, étudiante au doctorat en histoire de l’art et je travaille à contrat pour l’UQAM. J’ai bénéficié de bourses d’excellence en recherche au cours de mes études. Je m’implique bénévolement dans le milieu communautaire et j’ai dans mon entourage proche un couple ayant bénéficié de la relative « gratuité » des services de procréation assistée. Je prévois un deuxième enfant pour bientôt. Le coût de mes études s’élève au bas mot à 30 000$ depuis le début de mon baccalauréat, idem pour mon mari. Le prix direct de notre éducation a donc tourné autour de 60 000$, sans compter les coûts indirects incluant le fait qu’on ne soit toujours pas officiellement sur le « marché du travail ». Je suis descendue dans les rues, enceinte, en 2012 pour lutter pour l’accessibilité aux études supérieures. J’ose à peine imaginer quel serait le coût si les tarifs annoncés avaient été acceptés. Notre revenu familial est de 60 000$ annuel, mais nos bourses d’études se terminent en mai 2015 et à partir de ce moment seul l’avenir nous dira ce qui arrivera de nous. Nous n’avons jamais reçu d’appel des CPE et nous payons 12$ par jour après le retour anticipé.
Pourtant, je sais que je n’entre pas dans la catégorie des gens défavorisés. C’est sans conteste mon éducation qui me permet d’avoir un regard critique sur le monde qui nous entoure. J’ai toujours eu une famille qui m’a encouragée à étudier, à travailler, à être indépendante. Pourtant en 2014, les inégalités entre les hommes et les femmes sont bien réelles. J’ai eu la chance de rencontrer un homme qui n’a jamais pensé une seconde que sa vie, ses choix, sa carrière était plus importants que les miens. Nous nous sommes mariés par amour, mais aussi en sachant très bien qu’il valait mieux faire équipe financièrement parce que les écarts entre les salaires sont encore bien tristement d’actualité.
Nous sommes plusieurs à jongler avec la conciliation travail-famille-études et j’aimerais que vous pensiez à nous, aux jeunes qui construisent le Québec. Nous sommes capables d’innover, d’améliorer notre société, mais il est clair que l’austérité ne sera jamais la solution. Je crois en la justice sociale et j’ai toujours eu confiance dans les institutions. Il faut travailler à les soutenir, les améliorer, pas les anéantir. Pensez à nous.
Cordialement,
Marie-Christine Pitre
* L’image qui présente ce billet est tirée de la campagne du Coeur jaune des CJE.
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