Une page d’histoire: l’accouchement au Québec
J’ai tellement de sujets qui surgissent dans ma tête que j’ai eu du mal à choisir le premier que je voulais aborder. J’y ai longtemps réfléchi et j’ai envie de me pencher sur le thème qui m’a convaincu de débuter ce blogue : l’histoire pas si lointaine, mais pourtant méconnue de l’accouchement vécue par les femmes de la génération de nos grands-parents.
Après avoir donné naissance à Laurent, les discussions de mon entourage tournaient souvent sur les souvenirs d’accouchement. Cette journée mémorable est un point tournant dans la vie des femmes. Elle fait surgir des souvenirs puissants, indélébiles, imprégnés pour toujours dans l’esprit de celles qui l’ont vécu. Plus souvent qu’autrement, c’était les jeunes mamans des générations X et Y ou les Babyboomers qui me partageaient leurs histoires.
Je discutais tout bonnement avec ma marraine et elle m’apprend que sa mère, ma grand-mère maternelle, a vécu tous ses accouchements sous anesthésie générale. J’apprends que c’était la « meilleure » méthode pour donner naissance à cette époque, sous recommandation des médecins. À ce moment-là, bang, le temps s’arrête, ma conception du monde est ébranlée.
Comment se fait-il que malgré que je me tienne renseignée de ce sujet depuis des années, cette information cruciale me soit restée inconnue? Un grand pourcentage des gens de plus de 50 ans que je connais sont nés de cette façon et jamais personne n’en a fait mention dans les discours officiels?
Pourtant, dans son livre Partir pour la famille : fécondité, grossesse et accouchement au Québec 1900-1950 (2012) (tiré de sa thèse de doctorat parue en 2006), Suzanne Marchand écrit en toutes lettres ce fait hautement révélateur :
L’anesthésie, utilisée pour soulager les douleurs des femmes en couches, était une pratique courante à l’époque. Si elle comportait certains avantages, elle avait aussi l’inconvénient d’empêcher les femmes de participer activement à leur accouchement. Lorsqu’elles se réveillaient, on leur présentait l’enfant qu’elles venaient de mettre au monde (Marchand 2012 : 167).
Ce mode d’accouchement sous anesthésie générale devait être particulièrement traumatisant pour la mère et l’enfant…
À l’autre bout du spectre, certaines femmes de cette époque accouchaient aussi à la maison, dont ma grand-mère paternelle. Elles étaient aidées d’une « sage-femme », avant la reconnaissance officielle de cette profession, ou par une mentor digne de confiance. Je ne peux que m’imaginer le stress que ce devait être, sachant que plusieurs femmes mourraient en couches lorsque l’accouchement tournait mal.
Pour obtenir plus de détails, vous pouvez lire mon billet « Brève histoire de l’accouchement au Québec » sur le site de Maman Éprouvette.
Plus ça change, plus c’est pareil
Les futurs et nouveaux parents le savent, les discours actuels vont dans un sens assez rigide. L’accouchement « naturel » est vu comme un idéal à atteindre et on nous bombarde d’informations comme quoi toutes les femmes sont « faites pour accoucher ». On regarde les femmes de haut lorsqu’elles prennent l’épidurale ou doivent subir une césarienne. Ces interventions médicales sont vues comme « suspectes ». Certaines femmes considèrent même avoir « raté » leur accouchement. Elles se sentent parfois moins mères, moins femmes, pensant peut-être que notre époque est la seule à « dénaturer » la naissance.
Contrairement aux sous-entendus erronés qui circulent partout, la recherche de solutions pour diminuer les douleurs extrêmes de l’accouchement est loin d’être nouvelle. Les femmes d’aujourd’hui ne sont pas plus « faibles » que celles des générations précédentes. Cessons ces sous-entendus culpabilisants qui ne servent personne.
Certes, l’humanisation des naissances est souhaitable et le reconnaître constitue un pas dans la bonne direction. Travaillons tous ensemble pour y arriver plutôt que de faire circuler de fausses informations. À toutes les époques, la majorité des mères ont voulu le bien-être de leurs enfants. Pour ce faire, elles sont laissées guidées par les personnes qualifiées. Or, la science apporte de nouvelles alternatives médicales selon l’avancée des recherches. Au passage, n’oublions pas les traces laissées par l’histoire…
Aussi et surtout, je ne peux qu’être admirative face à toutes les femmes qui ont vécu un accouchement, une épreuve plus grande que nature, un moment d’une rare intensité, menant à une grande réalisation : la vie.
Références
Marchand, Suzanne. 2012. Partir pour la famille, fécondité, grossesse et accouchement au Québec 1900-1950, Québec : Septentrion, 268 p.
Marchand, Suzanne. 2006. « Naître, aimer et mourir : le corps dans la société québécoise », Québec : Université Laval. En ligne. <http://www.theses.ulaval.ca/2006/24106/>.
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