L’infertilité de nos proches
J’aurais aimé ne pas avoir à écrire cet article. Dans un monde idéal, toutes les personnes souhaitant devenir parent devraient pouvoir concrétiser leur rêve, au moment où ils le désirent. Mais à tous ceux qui vivent dans l’attente, je vous souhaite sincèrement qu’un petit rayon de soleil fasse sa place dans vos vies. Je ne peux pas prétendre savoir tout ce que vous ressentez. Sachez toutefois que je partage votre peine. Mon frère et me belle-soeur que j’adorent doivent faire face à cette épreuve. J’ai compris à quel point ne pas pouvoir choisir le moment de la venu de son enfant est une source de souffrance profonde. Je vous transmets à tous ma plus sincère compassion.
Nick, Sophie, je tiens à partager votre histoire à partir de mon point de vue. Je ne peux qu’exprimer comment j’en suis venue à comprendre la douleur que vous vivez. Surtout, je veux que vous sachiez que je vous supporte du fond du coeur dans les démarches de fécondation in vitro qui débuteront aujourd’hui. Je suis remplie d’espoir.
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Commençons par le début. Il est important de savoir que mes parents ont passé par le processus des cliniques de fertilité à la fin des années 1970. Ils n’arrivaient pas à concevoir. Après des démarches de deux ans, mon grand frère Frédéric est né. Puis, rapidement ma mère est tombée enceinte de Jean-Nicolas (que j’ai toujours appelé Nick). Cinq années ont passées. Seule la méthode du « calendrier » (devenue courbe de température) était utilisée comme moyen de contraception. Je suis arrivée pour terminer la famille. C’est grâce à ces traitements que nous sommes en vie tous les trois…
Simon peut en témoigner, j’ai rapidement eu une urgence de débuter les essais. J’avais cette peur d’être infertile comme l’étaient mes parents. Nous avons eu toute une surprise quand j’ai fait mon test positif, dès le premier mois d’essai. Je m’étais préparé à tous les scénarios, mais pas à celui-là. Or, bien naïvement, je n’avais jamais pensé qu’un autre membre de ma famille pouvait être touché par l’infertilité. Je ne sais pas trop pourquoi, je pensais que c’était moi, la seule fille de la lignée, qui pourrait vivre ces difficultés.
Je suis comme un livre ouvert et je voulais partager la nouvelle de ma grossesse dès le début. Ma mère nous avait invité à un souper début octobre et c’est à ce moment qu’on a pu faire la surprise à mes parents et à Fred et Julie (ma belle-soeur) en premier. Nick et Sophie ne pouvaient être présents car ils demeuraient à Québec à cette époque. Ne voulant pas que la nouvelle s’ébruite sans les avoir vu en personne j’ai décidé de me rendre là-bas avec mes parents. Simon lui était parti faire l’annonce dans sa famille.
Nous avions choisi Nick pour devenir le parrain de notre trésor. Nous avions préparé une bouteille de vin avec un étiquette personnalisé pour lui faire cette demande très importante pour nous. Nous avions par ailleurs choisi Stéphanie, la soeur de Simon, comme marraine.
Donc, j’arrive à Québec avec mon cadeau. Nick n’a pas trop compris le concept sur le coup, puis je lui ai demandé de devenir le parrain de notre enfant à venir. Il était bien ému et il a semblé être bien content, quoi qu’un peu secoué par la nouvelle. Sophie s’est approchée et m’a fait un câlin. Je la sentais différente. Elle semblait heureuse pour nous, mais j’ai ressenti une peine m’envahir. À ce moment-là, j’ai fait comme si tout était beau, mais Sophie ne peut rien me cacher. À mon retour, j’ai dit à Simon que j’avais été surprise de la réaction de notre belle-soeur, mais je n’en ai pas fait de cas.
Quelques semaines plus tard, j’étais seule dans l’auto avec eux. J’ai posé une question que me paraissait bien banale dans les circonstances. Quelque chose comme : « Eh puis, vous, les enfants c’est pour bientôt? ». Les deux étaient à l’avant et j’ai senti un malaise. Sophie, en sanglot, s’est tourné vers Nick et a dit : »On lui dit maintenant? ». Là, je commence à paniquer, je me demande bien ce qu’il y a. Ils me répondent alors qu’ils ont entrepris des démarches en fertilité. Le ciel me tombe alors sur la tête. Cette possibilité ne m’avait jamais effleuré l’esprit… Avec le recul, je me trouve bien irrespectueuse d’avoir posé la question de manière aussi détachée.
Arrivés à Montréal, ils m’expliquent que ma grossesse leur avait fait réaliser que les mois passaient et que eux ça ne fonctionnait pas. Ils chérissaient le rêve de nous annoncer la même nouvelle, mais ils nous apprenaient plutôt que les démarches se complexifiaient, que leur rêve devenait de plus en plus lointain.
Je vous jure qu’à ce moment-là ma vision de la grossesse a changé, mais ma vision du monde également. J’ai réalisé ma chance. Mais je me suis sentie coupable aussi. Pourquoi nous ont peut le vivre et pas eux? Ça m’a ébranlé, sincèrement. Sophie m’a avoué qu’elle trouvait ça difficile de me voir enceinte. Elle se sentait mal d’être jalouse. Pourtant, maintenant que je ne le suis plus je comprends tellement cette jalousie. Elle m’a aussi raconté comment certaines personnes lui faisait des commentaires blessants, sans égard de leur épreuve. J’ai réalisé que moi-même je n’avais pas été respectueuse en leur demandant pourquoi ils n’optaient pas pour l’adoption plutôt que de vivre un processus médical très exigeant. Puis, j’ai compris. J’ai compris comment ils devaient tout tenter, tout essayer pour ne pas avoir de regret. J’aurais tant souhaité pouvoir partager ma fertilité avec eux. Pourtant, il n’y a qu’une chose à faire, c’est être là, prêts à écouter leur peine.
Nous attendons nous aussi leurs petites étoiles avec impatience et nous les soutenons du mieux que l’on peut. Nick et Sophie sont déménagés tout près de chez-nous aux Fêtes et nous avons une relation très privilégiée avec eux. Je dirais même plus, nous partageons une complicité vraiment formidable. En fait, pour Laurent, Sophie n’est pas Sophie, elle est Tante Sisso. C’est un titre honorifique qu’elle a reçu de ses neveux et nièces du côté de sa famille. Jean-Nicolas est Parrain Nick. Ils sont au premier plan pour nous soutenir dans notre rôle parental. Parce que oui, c’est à eux que l’on demande conseils en cas de doute, parce qu’ils ont plus d’expérience que nous avec les enfants. Ils occupent une place de choix dans nos vies et Laurent est un petit garçon choyé de les avoir tout près. Ils ont des coeurs de parents.
Sophie, Nick, je réitère ma promesse, même dans les moments de découragements, je serai là et je continuerai à croire en votre rêve.
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