Désolation
Je suis généralement de nature assez positive face à mon statut de maman-étudiante au doctorat. Or, dans les derniers jours je suis tombée sur des données particulièrement déprimantes qui m’ont obligé à reconsidérer le milieu universitaire dans lequel j’évolue.
Samedi, c’était la journée internationale de la femme. Comme Simon l’écrivait si bien, les femmes canadiennes ont encore bien du chemin à faire pour être respectées dans les hauts lieux de savoir que ce sont les universités. Elles sont parfois victimes d’agressions, de viol ou on tente de limiter leur progression professionnelle. Comme l’écrit Nathalie Collard dans l’article Non, le sexisme n’est pas mort, c’est malheureusement un constat peu encourageant, malgré toutes les années de lutte féministe.
Je suis malgré tout choyée, j’ai une famille qui m’a toujours soutenue dans mes études, un mari dévoué qui oeuvre aussi dans cet univers. Nous ne mentirons pas, nous avons le privilège d’avoir pu obtenir des bourses de recherche et l’encouragement de nos professeurs. Jusqu’à tout dernièrement, nous étions confiants de nous trouver une place dans ce milieu. Mais voilà que les chiffres publiés dans l’article Faire de longues études pour mal gagner sa vie est venu me heurter d’une manière presque violente. Bien sûr, je suis au courant qu’il s’agit d’un milieu concurrentiel. On y apprend que 63% des postdoctorants ont un revenu brut de moins de 45 000$ annuel et que 33% ont des enfants à charge. Les chiffres me choquent, me peinent, me désolent…
Pourquoi? Parce qu’on ne dit jamais à quel point être un chercheur universitaire est difficile. On est souvent perçus comme des bébés gâtés qui vivent grassement au crochet de l’État. Mais il y a pire. The Guardian a publié l’article There is a culture of acceptance around mental health issues in academia. On peut y lire à quel point les problèmes de santé mentale pour les étudiants de cycles supérieurs sont connus, mais souvent évités, presque banalisés. Certains étudiants à bout de souffle iront même jusqu’à se suicider :
It is all too common to see PhD students work themselves to the point of physical and mental illness in order to complete their studies. It is less common to see PhD students who feel that they are under such pressure that the only option is suicide. But it does happen. There is a culture of acceptance around mental health issues in academia – and this needs to change.
Simon a déjà obtenu un emploi où un collègue venait de s’enlever la vie… C’est la triste réalité qu’on ne veut pas voir. Combien de fois j’ai senti la panique s’emparer des chercheurs près de moi, n’en pouvant plus de se rythme effréné? La pression est forte, on nous demande, que dis-je, on nous exige l’excellence dans tout. Qui peut arriver à maintenir le rythme? Les quelques rares qui obtiennent un poste continuent pendant de longue années à tenter de « prouver » leur compétence… D’autres s’essoufflent, quittent le domaine universitaire devenu trop lourd à porter.
On le sent partout qu’on n’y arrive plus… On étudie toute notre vie, porté par cet amour de la recherche, on s’endette, mais on reste confiant. Puis, on devient de plus en plus désabusé… Mais triste surtout.
Comme femme et maman j’ai parfois l’impression qu’on me ferme la porte. D’ailleurs la règle numéro pour 1 pour les chercheuses universitaires est de ne pas avoir d’enfant. Mary Ann Mason l’écrit dans l’article In the Ivory Tower, Man Only :
For men, having children is a career advantage. For women, it’s a career killer.
Il y a d’ailleurs très peu de mamans qui sont professeures d’université. Je lève mon chapeau à toutes celles qui y sont arrivées.
Comment expliquer cette pause du congé parental à un milieu obsédé par la performance? D’ailleurs, de plus en plus d’hommes universitaires souhaitent aussi passer plus de temps avec leur enfant. Mais une carrière universitaire c’est un dévouement constat, obsessif, qui se concilie très mal avec la vie familiale.
Pourquoi n’existe-t-il pas de poste universitaire avec une tâche allégée? Faut-il absolument sacrifier notre santé mentale pour oeuvrer dans le milieu universitaire?
J’ose espérer qu’on arrivera un jour à transformer les universités. Il le faut pour le bien-être de tous.
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