L’étudiant entrepreneur, les bourses d’études et le congé parental
Comme le dit souvent un de mes amis, être étudiant aux cycles supérieurs, c’est comme être un travailleur autonome ou une petite entreprise. Il faut s’assurer d’avoir des objectifs bien ciblés, du financement, du savoir-faire à l’interne et savoir voir à long terme les retombées. C’est aussi naviguer dans la bureaucratie, comme j’imagine le font parfois les entrepreneurs.
La métaphore entreprenariale est assez loin de l’idéal de l’université, mais dans les faits, penser en termes de gain et d’investissement est à peu près nécessaire pour passer au travers d’un projet d’une telle envergure — même si l’objectif ultime, lui, peut n’être que la recherche du savoir en elle-même. Viser une carrière universitaire peut impliquer le même couteau à double-tranchant: vouloir, par exemple, être professeur et penser à ses objectifs en fonction de cette volonté, sans que cette volonté soit, elle, liée à une approche entreprenariale de la vie.
Les bourses d’études — FRQSC et CRSH
Pour un étudiant aux cycles supérieurs, la source de revenu la plus substantielle et durable, ce sont les bourses d’études. Mais je ne parle pas ici du système de prêts et bourses de l’Aide financière aux études (AFE). L’étudiant peut miser sur de plus grandes bourses, parfois à plus long terme, octroyées par des organismes fédéraux et provinciaux: en sciences humaines, les deux plus grands organismes sont le Fonds de recherche Québec société et culture (FRQSC) et le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH). Ces deux organismes donnent des montants d’argent qui rivalisent avec un emploi à temps plein, parfois bien payé, sur un an ou sur plusieurs années selon le cas. Ces organismes sont un peu nos « dragons »: on doit demander du financement en étant convaincant dans nos objectifs et en ayant un historique de recherche intéressant.
Heureusement, ces deux organismes sont gouvernementaux, ce qui implique (parfois) qu’ils ne recherchent pas le profit. Si l’étudiant doit penser en termes de financement, ce n’est pas qu’il doive trouver une idée de recherche qui rapporte de l’argent. Le sujet de sa recherche a certainement un impact sur le résultat d’un financement accordé ou non, mais (en théorie) il n’est pas lié aux impératifs de l’offre et de la demande du marché de l’emploi.
Congé parental et RQAP
Sachant que les étudiants aux cycles supérieurs sont souvent au tournant de la trentaine, les organismes offrent la possibilité d’un congé parental, à condition évidemment de ne pas travailler ailleurs. Le congé parental inclut une session (4 mois) payée au même montant que la bourse habituelle et peut être étiré davantage, sans solde. Comme tous les travailleurs, les étudiants ont aussi droit au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Mais le RQAP ne reconnaît pas la bourse comme un salaire, ce qui a son avantage et son inconvénient: le montant n’entre pas dans le calcul pour le montant du RQAP (ce qui rend les versements très limités), mais on peut recevoir des montants du RQAP tout en recevant un montant de bourse (note: pour le FRQSC, mais pas pour le CRSH, qui exclut tout montant du RQAP lorsqu’on prend le congé parental payé). Le montant de mes contrats de correction et d’auxiliaire de recherche m’avait permis d’accumuler un certain montant (de mémoire, quelque chose comme 70% de 3000$).
J’ai appris récemment que certains employeurs compensaient parfois le montant du RQAP. Par exemple, si le parent reçoit 70% de salaire lors de son congé, l’employeur peut lui donner le 30% restant. Je salue cette initiative et c’est tout à l’honneur des entreprises qui décident de le faire. Je trouve tout de même étrange que cette pratique soit acceptée dans les circonstances où il faut ne recevoir aucun salaire pour avoir du RQAP. Du moins, on est assez surveillé pour ça — j’ai personnellement constaté l’ampleur de la précision de cette surveillance.
Comme étudiant, bien sûr, l’employeur ne viendra pas compenser ce 70%. Dans mon cas, le RQAP m’a contacté pour une erreur des relevés d’emploi de mon employeur. J’avais un contrat de recherche de quelques semaines à l’université qui m’empêchait de recevoir les versements en même temps. Je soumettais donc des semaines de congé parental au RQAP en excluant les semaines de ce contrat. L’université avait par contre mis une mauvaise semaine (disons, la semaine A) dans le contrat que j’ai signé, ce qui a entraîné un problème au RQAP: j’ai dû leur soumettre un nouveau contrat de travail qui spécifiait que c’était plutôt la semaine B que j’avais travaillée. Or, la semaine B, je n’ai reçu ni versement de RQAP ni de salaire. Le montant total n’aurait pas été altéré si le RQAP avait simplement accepté de changer la semaine réclamée de la A à la B.
Il semble pourtant qu’aucune modification de la demande de versements ne pouvait être faite ce stade. Il ne faudrait surtout pas que je sois payé en trop. Je ne sais pas dans ce cas sous quels prétextes un employeur peut compenser à son employé pour lui verser son salaire en entier.
Le rapport entre étudiant et argent est un rapport complexe, la crise étudiante de 2012 a pu en révéler certains aspects. Il faudra que je poursuive cette thématique dans des prochains billets.
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