Cheminement
Je suis toujours très gênée de dire que je suis étudiante au doctorat en histoire de l’art. C’est comme si, pour plusieurs personnes, le mot « doctorat » venait immanquablement avec une petite bouche pincée, un nez retroussé et un petit air hautain. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je préfère répondre que je suis chercheure à l’université, ce qui dans les faits explique bien ma carrière. Je ne voudrais jamais que quelqu’un pense que mes études me donnent un statut différent ou, pire encore, que ce soit source de vantardise. Je fais un doctorat en histoire de l’art parce que j’aime la recherche et ça me permet de le faire, c’est aussi simple que ça. Pour moi, tout le monde est égal et j’ai énormément de respect pour toutes les professions, tous les choix de vie.
Le rapport de Statistique Canada (2013) vient tout juste de sortir et pour la première fois dans l’histoire du Québec, les femmes sont maintenant plus diplômées que les hommes, mais continuent de choisir des métiers dits « traditionnels ».
Existe-t-il des métiers faits pour l’un des deux sexes? Ne pouvons-nous pas choisir une carrière qui nous rend heureux, sans nous soucier de l’opinion des autres? Quand on y pense, le degré de scolarité importe peu, c’est plutôt le plaisir qu’on a à se lever le matin qui est important, vous ne croyez pas? Plus encore, faut-il vraiment que notre métier nous définisse à ce point? J’ai tant de respect pour les parents à la maison qui, remplis de passion, donnent tout leur temps à leurs petits. Je pense aussi à toutes les personnes qui soutiennent leur communauté grâce au bénévolat.
Je ne crois pas être une carriériste. Je suis au doctorat, oui, mais ce sont mes passions qui m’ont montré le chemin. Ça m’a toutefois pris des années à m’assumer entièrement.
Cheminement académique
Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai débuté une technique d’orthèses visuelles au Collège Édouard-Montpetit après ma première session à l’UQAM. Je venais d’apprendre que des études doctorales étaient recommandées pour faire de la recherche et enseigner à l’université. Ça m’avait complètement découragée. J’avais donc réorienté ma carrière et je m’étais dit que mon souci du détail et mon intérêt pour la mode et le design pourraient me servir pour conseiller les clients sur leur choix de lunettes. Je me suis donc lancée dans cette nouvelle aventure.
Si vous voulez la vérité, j’ai trouvé cette session particulièrement difficile. La biologie, la physique, bien peu pour moi… Les cours étaient très intenses et la matière rude à apprendre. Moi qui était habituée à des bonnes notes, j’avais de la difficulté à garder la tête hors de l’eau. J’ai passé l’été à y réfléchir, puis j’ai débuté la deuxième session. Je suis revenue le deuxième soir et j’avais un devoir de physique à faire. J’ai complètement paniqué, c’était trop pour moi. En pleurs, je suis allée voir la liste de cours disponibles en histoire de l’art. Par chance, la session recommençait la semaine suivante et mon inscription était toujours valide. J’ai repris mon baccalauréat et je m’y suis retrouvée, comme un poisson dans l’eau.
Les années ont passé. J’ai terminé mon baccalauréat puis j’ai débuté ma maîtrise en études des arts. Je suis allée suivre des cours de russe à l’université Laval et je suis partie étudier et enseigner à Moscou. Je me retrouve, à ma propre surprise, doctorante en histoire de l’art, alors que moi-même je doutais que cela puisse être possible. Je jongle maintenant avec cette vie d’étudiante des cycles supérieurs tout en étant maman. J’ai besoin de m’accomplir dans ces deux rôles.
Depuis, j’ai dû me battre pour faire valoir l’utilité de ce programme dans la société. « L’histoire de l’art » est l’exemple favori des adversaires des sciences humaines. Je me souviendrai toujours d’un épisode de la série Rumeurs que j’affectionne pourtant particulièrement. Les personnages d’Hélène (Geneviève Brouillette) et de Jacques (Stéphane Archambault) discutent ensemble. En jasant de leur passé, Hélène lui annonce qu’elle détient un baccalauréat. Jacques lui dit à la blague que ce doit être dans un programme aussi inutile que l’histoire de l’art. Elle répond que non, son diplôme est plutôt en communications…
On devait être en 2006. J’avoue avoir été secouée à ce moment-là. Bien sûr, je connaissais la mauvaise réputation de mon programme. C’était de l’humour bien sûr, mais je m’étais sentie visée. J’ai longtemps cherché à expliquer mon choix, puis j’ai lâché prise. Je n’ai pas à me laisser influencer par les commentaires des autres. J’aime ce que je fais et c’est tout ce qui compte.
L’art m’a appris à voir la beauté du monde. Je ne peux rien demander de plus.
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