L’allaitement en public et la médiatisation
Si vous suivez les blogues parentaux, vous avez probablement déjà entendu l’histoire de Mélodie Nelson à qui un sauveteur a demandé de cesser d’allaiter en public ou de quitter l’espace d’une pataugeoire dans Rosemont.
Comme elle le relate elle-même, ce sauveteur n’est effectivement pas tombé sur la bonne personne. Si vous suivez la culture web depuis un certain nombre d’années, vous connaissez sans doute Mélodie Nelson d’abord pour son blogue personnel à caractère sexuel, pour son livre Escorte, pour ses chroniques sur Canoe (toutes aussi « non-sécuritaires au travail ») et plus récemment pour son blogue parental.

Photo: Agence QMI relayée par TVA Nouvelles, l’un n’étant jamais loin de l’autre.
TVA Nouvelles, Le Devoir, La Presse signent quelques articles pour relater la nouvelle. Aussi étonnant que ça puisse paraître, aucun de ces sites de nouvelles ne propose de renvoyer à l’article original de Mélodie Nelson, qui pourtant est la source originale de leur propre contenu. Aucun ne précise non plus que la nouvelle n’est pas que celle d’une quidam qui a appelé pour signaler quelque chose d’intérêt public; la nouvelle existe et est relayée précisément parce qu’elle a été écrite et partagée massivement à partir du blogue de Mélodie Nelson à la base. Uniquement La Presse mentionne son blogue et son passé d’escorte. [MÀJ: RueMasson.com a été le premier à relayer la nouvelle en hyperliant vers le blogue de M.N.]
Précisons tout de suite, même si mon opinion ne vous étonnera probablement pas: demander à une femme de cesser d’allaiter en public est ridicule. Je ne m’étalerai pas en long et en large pour préciser la nécessité de se nourrir, on en parle déjà beaucoup. Quant à la pudeur, ceux que ça choque seront curieux d’apprendre que, comme le précise Martine Desjardins, ils sont plus catholiques que le pape, qui encourage les femmes à allaiter à la Chapelle Sixtine.
Ce qui m’intéresse ici, c’est la médiatisation de la nouvelle. Celle-ci a été créée par Mélodie Nelson sur son blogue et existe comme nouvelle parce qu’elle a été commentée et relayée par les médias sociaux: elle existe parce qu’on s’y est intéressé massivement. Son intérêt comme nouvelle a été plus ou moins dicté par le relais des internautes, par la notoriété personnelle que Mélodie Nelson a su créer à partir du web.
Je trouve étonnant que les médias, qui vivent actuellement une crise de leur modèle économique, ne sachent pas faire preuve de davantage d’honnêteté intellectuelle. La crise de ce modèle économique, c’est avant tout une crise de leur autorité en tant que média: c’est une crise causée par la remise en question de leur pertinence, de leur sceau de qualité. Si aucun d’eux ne sait entrer en dialogue avec le web lorsque c’est là qu’ils trouvent leur contenu, on ne peut s’étonner qu’ils continuent de plonger, plus profondément qu’au fond d’une pataugeoire.
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